Qui fait l’ange fait la bête

Au cœur d’une crise économique et sociale profonde, dans ce moment où ni la République ni la politique ne parviennent à offrir un cadre, une direction, ou une transcendance, la famille est l’un des derniers refuges que se trouvent les individus – quand ils ont la chance d’en avoir une.

Dans ce contexte, les avancées législatives qui ont permis de faire progresser les droits et d’instaurer le mariage pour tous ont troublé celles et ceux – encore nombreux – qui refusent et/ou ne peuvent concevoir un modèle de famille pourtant existant, qui a fait ses preuves et avait besoin d’être conforté de manière urgente, la famille homoparentale.

Ceux-là font sans doute partie des sondés qui se sont déclarés en faveur du mariage ouvert à toutes et à tous lorsqu’il a été présenté, mais qui se sont déclarés opposés à l’adoption et à la PMA pour les couples mariés homosexuel-le-s.

Ils ont en tête des schémas puissamment ancrés, qu’il est nécessaire de faire évoluer.

Cela coince pour eux, et sans doute seraient-ils réceptifs à quelques rappels, notamment du fait que la famille homoparentale soit aujourd’hui une réalité, et que son principal drame était la précarité juridique et sociale dans laquelle se nouaient les relations entre les parents et les enfants.

Mais on peut espérer et supposer que ce n’est pas de ceux-là dont on doit craindre qu’ils basculent dans de très sinistres sympathies pour la Manif pour tous ou le jour de retrait des écoles. Ils ne contesteront sans doute pas une loi adoptée dans le cadre de la République.

En revanche, celles et ceux qui sont ciblés par de tels mouvements sont vulnérables à leur désinformation entre autres raisons parce que le modèle de famille auquel elles et ils sont attachés sont particulièrement archaïques et oppressifs.

Elles et ils sont vraiment déboussolés voire scandalisés par le mariage pour tous et toutes – ils sont ouvertement dans l’homophobie et la déshumanisation.

Le fait que toutes les familles participent à des degrés divers à la vie des communautés scolaires ne doit pas faire oublier qu’elles sont le lieu où se dévoilent des tensions ainsi que la grande hétérogénéité des convictions concernant le rôle des parents et la place des enfants.

Lorsque des familles aux représentations et au fonctionnement qui renvoient aux logiques du passé retirent leurs enfants de l’école, le choc en est fort pour le reste de la société.

On considère en effet que la communauté scolaire qui les inclut est soudée autour du bien être et de l’intérêt des enfants. Or quelque chose se joue avec ces parents qui décident d’une certaine manière de faire sécession et de rompre avec ce consensus.

Mais cette découverte douloureuse qui laisse sonné ne devrait pas en être une : par quel miracle les systèmes familiaux pourraient-ils être complètement différents des grands systèmes hétérogènes qui organisent nos sociétés?

Et des familles organisées sur des principes in fine pas toujours très sympas ou épanouissants pour leurs membres, c’est plus banal que cela n’est rare.

Les participants fascisants à la manif pour tous et leurs alliés le savent qui déroulent à l’intention de ces parents un plan de bataille rôdé qui explique en partie la flambée de fantasmes et de peurs irrationnelles qu’ils ont délibérément attisées.

Ils mettent en œuvre cette stratégie parce qu’ils estiment que l’ordre « naturel » des choses est remis en question par le mariage pour tou-te-s et l’institutionnalisation des familles homoparentales – et ils ont décidé qu’ils ne peuvent le tolérer.

Ils et elles décident – en appelant en renfort une grosse dose de très coupable mauvaise foi – que tout est possible… y compris de former des enfants à la masturbation au sein de l’école de la République. On bascule ici dans autre chose.

C’est une espèce de fascination pour le pire, une envie malsaine de voir jusqu’où l’on peut pousser le scénario, de jouer à faire « comme si » un gouvernement républicain de gauche était effectivement tout ce que les conspirationnistes, homophobes, sexistes, racistes, xénophobes, antisémites ont une envie frénétique qu’il soit, pour pouvoir le conspuer et le jeter à bas.

Il y a cette pulsion plus ou moins maîtrisée et dévoilée pour la politique du pire. Elles et ils voudraient bien que se produise effectivement une véritable chute morale, une décadence absolue, afin de pouvoir monter des armées animées d’une sainte, pure et impitoyable colère.

C’est une envie de sang – encore – qui transparaît au bout du chemin que certains ne font que commencer à emprunter, et sur lequel d’autres sont déjà bien avancés, une envie de sang purificateur.

Mais le sang ne purifie rien. C’est tout le contraire. Il fait des tâches indélébiles et détruit inexorablement. Il sape les fondations des sociétés et leur complique le chemin sur la voie de la paix civile et de la fraternité.

Celles et ceux qui, dans leurs délires à propos des familles homoparentales, parlent de l’innocence menacée devraient s’en souvenir alors que la question de l’enfance est au cœur du problème qui se pose à eux.

Derrière la question de savoir qui va élever les enfants, se profile aussi de leur part l’affirmation selon laquelle des enfants élevés par des familles homoparentales seront des enfants qui deviendront homosexuel-le-s.

Et cela leur pose un problème parce qu’ils ne veulent pas admettre qu’être homo c’est aussi bien qu’être hétéro, et parce que les familles homoparentales n’en étant pas dans leur esprit, c’est la famille en tant que telle qui est mise en question, cette famille qui leur appartiendrait comme leurs enfants…

Ils sont incapables d’admettre que l’orientation sexuelle de chacun ne regarde qu’elle ou lui.

La seule chose qui soit imposée avec le mariage pour tous, c’est le refus d’une conception unique de la famille. Personne n’est contraint de s’engager dans un schéma familial homoparental.

En revanche, la mise en place du mariage pour toutes et tous répond à un impératif de respect des droits fondamentaux des enfants de familles homoparentales et de leurs parent-e-s.

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